Podcast : Retour d'expérience d'un industriel sur l'Énergie 4.0

Découvrez un entretien avec un Energy Manager d’une entreprise industrielle.

Découvrez le retour d'expérience d'un Energy Manager sur l'Énergie 4.0 au sein de son entreprise industrielle : Olmix

Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans ENERGY 4.0, le podcast traitant de tous les sujets d’actualité autour de la décarbonation et la transition énergétique de l’industrie.

Dans ce nouvel épisode, nous allons cette fois comprendre le point de vue d’un industriel confronté aux enjeux de l’énergie 4.0, ses choix technologiques, leurs impacts, leurs avantages, mais aussi les challenges qui vont avec.

Et pour en parler aujourd’hui, j’ai le plaisir d’accueillir parmi nous notre invité Cyril Bougaud qui est energy manager au sein de l’entreprise industrielle Olmix..

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Peux-tu nous présenter ton entreprise ?

Olmix Group est une entreprise de taille intermédiaire (ETI) bretonne, fondée en 1995 par Hervé Balusson, qui est toujours actif dans l’entreprise. Aujourd’hui, Olmix réalise un chiffre d’affaires de 180 millions d’euros et emploie 900 personnes.

Nous sommes présents dans le monde entier, principalement en Europe. Nos sites industriels se trouvent au Brésil, au Vietnam, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Angleterre et en Roumanie. En outre, nous avons des représentations commerciales sur tous les continents pour rester proches de nos clients.

Quelle est l'ambition d’Olmix sur le plan environnemental? Est-ce que tu peux nous expliquer la démarche de décarbonation d'énergie ? Est-ce qu'il y a des objectifs qui ont été fixés ? Est-ce que vous avez un cap sur ce sujet ?

Tout d’abord Olmix se veut être un partenaire privilégié dans la transition agro-écologique pour l’ensemble de la filière agricole dans le monde.

Il y a vraiment une volonté de réduire certaines pollutions, notamment tout ce qui va être antibiotique pour ce qui est de l’activité animale, pour présenter un peu nos nos activités, Olmix cherche à partir de macro-algues à retirer des molécules d’intérêt, pour développer des produits qui permettent de pallier une certaine systématisation qu’on peut avoir dans l’agriculture, typiquement les antibiotiques, les pesticides, les phytosanitaires au sens global. Donc on a développé deux BU, une sur l’animal qui va vraiment être axé sur tout ce qui va être booster l’immunité de l’animal, de manière naturelle donc avec des molécules un peu élicitrices. De la même manière sur la BU Plant Care, on va retrouver des produits qui vont favoriser la santé de la plante pour qu’elle puisse s’implanter beaucoup mieux malgré un stress hydrique et faire face de par elle même aux différentes attaques qu’il peut y avoir naturellement. Cela permet d’éviter le recours à la chimie, d’entamer une transition agricole.

Olmix a par la suite fait son bilan carbone pour voir où on en était. Aujourd’hui sur le scope 3 on consomme 140 ktCO2, si on prend tout l’ensemble de la chaîne. L’énergie représente à peu près 8%,. Forcément le débat s’est plus orienté sur le scope 3 qui est très majoritaire vis-à-vis de nos émissions. . Néanmoins il y a un travail de fond qui est fait sur l’énergie où effectivement on a un enjeu de décarbonation qui est présent.

Je ne peux pas vous donner de chiffre aujourd’hui, ni d’objectifs à atteindre en termes de réduction des émissions sur l’énergie en particulier. Mais il y a une effectivement une orientation de la part du groupe au niveau RSE sur ce domaine là.

Le métier d'Energy Manager est assez nouveau, est-ce que tu peux expliquer en quoi il consiste et quelles sont tes missions en tant qu'Energy Manager dans l'entreprise ?

Effectivement il est assez nouveau dans la sphère industrielle et pour moi-même. La mission principale je dirais, est d’établir une feuille de route globale sur les sites industriels, sur la perspective de sobriété énergétique donc, soit de complètement couper certains usages ou de les diminuer, soit de challenger des produits afin d’établir toutes les solutions qu’on peut voir sur le champ des possibles pour aller vers une sobriété énergétique. Ça c’est la dimension majeure du poste. Par la suite il y a tout ce qui va être achat d’énergie, pilotage, faire en sorte de sensibiliser le personnel au niveau comportemental par rapport à l’usage des énergies.

Donc faire de la pédagogie tout simplement au sein des équipes à tous les échelons pour favoriser tous ces éléments là.

Ce métier, c'est une création de poste chez Olmix ?

C’était une création de poste l’année dernière, suite à la crise énergétique qui a commencé à voir le jour, en même temps il y avait déjà un début de volonté au niveau RSE d’aller de l’avant par rapport à la situation actuelle dans le monde et tout ce qui était réchauffement climatique global, tous les éléments environnementaux. Cela faisait sens vis-à-vis de notre leitmotive chez Olmix, ça semblait naturel d’aller vers ce genre de création de poste pour atteindre ces objectifs là et être en ligne avec ce qu’on proposait.

Comme c'est un nouveau sujet, c'est intéressant de comprendre comment tu as pu te former puisque tu démarrais de zéro ? Est-ce que c'est ta formation initiale ? Est-ce que tu as passé beaucoup de temps à aller chercher l'information ? Comment as-tu acquis toutes ces compétences ?

Il y a eu plusieurs grandes thématiques.

Il y a eu forcément un engagement personnel déjà. Il faut se renseigner vis-à-vis de tout ce qui est réchauffement global. Qu’est ce qui se passe vraiment ? Comment se renseigner, aller voir les sources, aller comprendre un peu et permettre d’avoir une opinion propre là-dessus et donc forcément on rebondit sur les énergies.

Pour moi cela fait sens de rebondir sur les énergies parce que je les conçois au centre de tout. C’est la problématique aujourd’hui, c’est la première partie. La deuxième partie, plus professionnelle, je m’occupais de la partie travaux neufs, donc les énergies étaient déjà très liées au niveau de mon cursus. Et par la suite aussi, j’ai pu effectuer une formation qui s’appelle PROREFEI, une formation financée tout à fait adaptée à ce poste là.

Notre podcast s'appelle Energy 4.0, alors est-ce que tu peux nous dire ce que ça veut dire pour toi l'énergie 4.0 ?

L’énergie 4.0 pour moi est très liée à l’industrie 4.0, c’est quasiment un synonyme.

Je vois comme une interaction de connexion du process de l’ensemble de l’outil industriel vers de la remontée de données, pour vraiment affiner au mieux le pilotage et permettre justement d’être au plus près de ce qu’on peut avoir en terme de performance, tant énergétique que production, et d’avoir un suivi des IPE et de l’ensemble de la chaîne énergétique au plus près, d’être le plus pertinent dans nos choix par la suite, de pouvoir évaluer et solutionner des problématiques via une connexion et une lecture, une mesure vraiment fiable et pertinente des différentes datas.

Justement, tu viens de prononcer le mot clé autour de la donnée. Peux-tu nous expliquer comment ton entreprise intègre-t-elle cette technologie ? Tu peux nous parler, par exemple de compteurs, de logiciel d'effacement, toutes ces briques de l'industrie 4.0. Comment les as-tu mis en place? Dans quel ordre? Comment tu t'y es pris ?

Dans un premier temps, on avait vraiment débuté de zéro, il y avait beaucoup de choses à réaliser. On a d’abord démarré par un audit énergétique. On était réglementairement déjà obligé de le faire, mais néanmoins ça permettait aussi de faire un premier état des lieux. C’était vraiment pertinent de démarrer par ce point là je pense, ce qui nous a donné par la suite des billes pour nous orienter en termes de feuille de route.

À la suite de cela, on a pu mettre en place le plan de comptage. Pour vraiment essayer de déterminer nos usages significatifs et s’orienter vers toute une panoplie de mesures. Après cette mesure-là, il faut bien la mettre quelque part. Donc effectivement, tout ce qui est logiciel, système de monitoring de l’énergie faisait sens par la suite. On a contacté ATL-EN-TIC pour cela et on a été vers la plateforme qui est hébergée avec ENERGIENCY pour avoir un niveau de lecture de nos IPE, les challenger, les réduire et nous permettre de d’agir au plus près de de notre outil. Aujourd’hui on est à cette étape là maintenant,  manager ces mesures et agir vis-à-vis de cela.

Quel est ton retour d'expérience vis-à-vis de ces outils ? Et surtout, ce qui est intéressant à comprendre, c'est le regard des autres personnes de l'entreprise sur ces outils, est-ce que ce sont les outils de l'Energy Manager ou est-ce que finalement ils peuvent aussi se les approprier ?

Il y a plusieurs personnes qui vont être liées à ces outils. Effectivement, il y a principalement l’Energy Manager mais il y a également surtout les directeurs d’exploitation qui vont être amenés à avoir un oeil sur ces éléments-là et qui peuvent être amenés à voir justement des graphiques, des dashboards et tout ce qui peut être très intimement lié à leur propre profil. 

Ce qu’ils ont l’habitude de lire finalement et pas seulement ce que leur a montré l’Energy Manager. Il y a des fois des clés de lecture qui peuvent être différentes selon les priorités de chacun, également. Je dirais même qu’on peut avoir un niveau qui n’est pas encore actualisé vers la conduite de ligne, de manière à ce que l’on puisse réduire et même pour des essais industriels, à avoir la granulométrie de mesure suffisamment fine pour accentuer cette performance au niveau vraiment opérationnel brut.

À ton avis, est-ce qu’il faut former ces personnes-là ? Quelles vont être les challenges pour qu'ils adoptent ces outils-là ? Qu'est ce qui va faire le succès de ces outils selon toi ?

Je dirais tout d’abord qu’il y a une sensibilisation à l’outil à effectuer, voire une sensibilisation à la performance énergétique, ce qui est souvent très présent chez les directeurs d’exploitation, ça se retrouve assez facilement.

C’est plus quand on va descendre après par la suite, vers les opérateurs de production et les conducteurs de ligne où on va avoir besoin de nécessairement faire de la pédagogie, pour les intégrer et les faire participer à ce projet-là qui est global et qui en soi impacte et intéresse tout le monde. Le sujet, ça va être de pouvoir leur dire “vous faîtes partie de cela et vous êtes acteurs là dedans”. C’est même à mon sens les acteurs majeurs quasiment pour ces éléments-là; D’ailleurs j’ai pu avoir un peu la preuve de cela. Pour donner un exemple concret, pour l’extinction de groupe froid, on avait pu faire des économies assez simplement sauf que, le groupe n’étant pas monitoré,  il fallait aller manuellement l’arrêter. C’était donc aux équipes de le faire puisque l’usine était en en 3×8 et maintenant, quelques mois plus tard, on n’a plus besoin de le dire, ils le font naturellement et ils le font parce qu’ils ont vraiment pris conscience que ça avait de l’importance sur tous les tableaux.

Est-ce que tu peux nous donner d'autres exemples d'actions ou de périmètres d'actions qui ont porté leurs fruits. Tu parlais de froid, électricité, vapeur, en fonction des process que vous utilisez, est-ce que tu as d'autres exemples de gains que vous avez déjà identifiés, voire concrétisés ?

Pour l’instant on est encore à l’étape, je dirais de mesure sur une bonne partie. Mais oui, il y a des choses qui commencent à naître, notamment au niveau de tout ce qui va être challenger la production de vapeur, challenger aussi les séchoirs vis-à-vis de ce qui rentre, voire même d’aller jusqu’au produit. Se demander « pourquoi on le définit comme ça, est-ce qu’on peut le le changer légèrement, ça ferait telle économie, ça ferait un peu que ce soit sur l’aspect du produit qui peut être induit à une température plus forte etc. » Enfin il y a beaucoup de sujets si on va assez loin. Et donc oui, il y a des sujets qui sont en train de se monter sur des économies d’énergie relativement simple au début, puisqu’on était vraiment à la base. Ensuite, il s’agit d’aller creuser un peu plus loin sur ce sujet là, et notamment des produits, enfin un produit en particulier. 

Par exemple, on avait défini une humidité en sortie qui était en fait relativement arbitraire pour se dire “on sait que ça c’est safe et on reste là”. Mais si on va plus loin et qu’on challenge un peu cette humidité qu’on pourrait réduire de quelques points, on pourrait largement gagner vis-à-vis du volume d’énergie que ça impliquerait et ça garderait un produit qui serait totalement pérenne par la suite au niveau commercial.

Le dicton de l'Energy Manager, c'est qu'on peut toujours s'améliorer. Qu'est ce que tu en penses ? Tu penses qu'on peut aller jusqu'où en termes de gain de performance chiffré, tu mets la barre où avec Olmix dans la durée ?

Dans la durée, je pense qu’il y a un gap financier qui est très important. Je pense qu’on peut aller sur plusieurs centaines de milliers d’euros sur l’ensemble du périmètre, pas forcément de manière très aisée sur l’ensemble, mais en tout cas, il y a déjà des très gros leviers qui sont assez facilement jouables. On l’a bien vu, juste en identifiant notre courbe d’entrée de compteur de tête sur la base. Avant on n’avait pas la lecture, on l’avait juste avec la lecture des factures, c’est quand même très brut. Maintenant en lisant la courbe, au jour le jour, ça nous a permis de mettre le doigt sur certaines consommations qui n’étaient pas justifiées et donc d’éteindre des process, des éléments qui n’étaient pas forcément nécessaire ne serait-ce que le week-end ou même parfois en semaine.

Il s’agit là de quick wins et après, au fur et à mesure, on va avancer et là ce sera de plus en plus difficile, mais je pense que dans un premier temps, il y aura si on prend l’ensemble du périmètre groupe, plusieurs centaines de milliers d’euros économisés c’est certain.

Comment tu vois l'animation multisite ? Notamment avec les contraintes de langue, de timezone, etc. Ça va être un challenge pour toi d'animer ça ?

Oui complètement. Le challenge ça va être surtout parfois je dirais culturel. Au-delà de la langue où on peut être assez uniforme en parlant tous anglais ça peut passer, c’est plus la culture de la sobriété énergétique d’un pays à l’autre, d’un continent à un autre qui est un défi. On va avoir des différences qui peuvent être vraiment monstrueuses. On va encore une fois faire preuve de beaucoup de pédagogie pour arriver à leur faire comprendre, que c’est nécessaire d’aller vers là parce que Parfois on ne parle pas de 10 giga, on va parler de dix kilowatts ou des choses comme ça, des choses vraiment très fines et après ça va croître et parfois on peut sortir une culture qui n’est pas du tout orientée là-dessus, parce que tout simplement on était tous un peu dans l’énergie abondante. Et de se dire qu’il va falloir changer ça, tout ça c’est pas encore la priorité dans beaucoup de pays, enfin, il y a d’autres choses à penser que d’économiser quelques kilowatts aujourd’hui.

Donc clairement, il y a cette barrière là après la langue et effectivement le décalage de temps. Le décalage horaire peut être un sujet aussi, mais après on a quand même réussi à construire une démarche au centre de la communication pour bien informer tout le monde et les rendre maîtres u$u, tout en les conseillant. ça se passe plutôt bien.

Est-ce que tu arrives à mesurer d'autres bénéfices pour l'entreprise au-delà de l'énergie et du CO2 avec cette démarche ? Est-ce que par exemple la qualité ou d'autres sujets comme matière première peuvent en bénéficier, est-ce que tu penses que c'est faisable?

Oui si on reprend un peu le sujet du séchage en mesurant vraiment cette dépense énergétique, on va pouvoir aussi un peu standardiser cette dépense donc avoir un produit plus linéaire, plus régulier et donc logiquement plus qualitatif et être vraiment au plus près des performances en termes de production.

Est-ce que tu as des homologues dans d'autres industries qui ont des démarches comme la tienne ? Est-ce que tu te sens un petit peu seul ou au contraire tu sens qu'il y a une vraie émulation ? Est-ce que vous avez des discussions transverses par exemple, d'un secteur ? ​

Il y a vraiment une très grosse émulation en Europe. Je le vois, j’ai des sujets, notamment avec un site allemand qui sont très orientés sur l’ISO 50001, etc. On voit qu’ils sont très informés, très formés sur le sujet et même sur d’autres sites où, il y a une réelle envie de s’informer, de prendre les devants, sur ces domaines là, d’une industrie à l’autre également. Davantage côté sidérurgies où là, c’est un impact majeur.

Donc eux effectivement ils étaient déjà bien rodés sur le sujet bien avant. C‘est plus dans l’agroalimentaire au sens global où ils ont un peu plus mis le pied à l’étrier même s’il y avait déjà beaucoup de groupes qui avaient amorcé cette démarche.

On ressent quand même qu’il y a beaucoup plus cette envie d’y prendre part et d’aller sur l’industrie 4.0 et l’énergie 4.0.

Pour finir, c'est la coutume de notre podcast, est-ce que tu pourrais nous conseiller une ou deux personnes à inviter pour les prochains épisodes ?​ ​

J’ai en tête un ancien collègue de promo qui a le même poste que moi, côté data, Thibault Roch, qui est un référent énergie chez Equinix. Je crois qu’il est bien sur ce sujet là aussi.

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